Bâtir une culture de sécurité des soins : retour sur le webinaire d'AfriWON

Découvrez les 4 leviers proposés par le Dr. Tiam (Coordonnateur Général de IAQSAH) pour renforcer la culture de sécurité des soins, présentés lors du webinaire AfriWON 2025.

7/14/20254 min read

Conférence AfriWON
Conférence AfriWON
Quand les chiffres interpellent

Chaque année, entre 5,7 et 8,4 millions de décès sont imputables à des soins de santé de mauvaise qualité dans les pays à revenus faible et intermédiaires. Cette statistique alarmante représente jusqu'à 15% des décès enregistrés dans ces régions et, une perte de productivité d’environ $1,5 trillion (OMS, CNIB). Pourtant, 83% de ces événements indésirables pourraient être évités grâce à l'application de la science de l'amélioration de la qualité.

Le 27 avril 2025, l’AfriWon Young Doctors Movement et le Groupe de travail « Qualité & Sécurité des Patients » de la WONCA (Association Mondiale des Médecins de Familles) ont réuni en ligne de jeunes cliniciens d’Afrique autour du thème : « Renforcer la sécurité et la qualité des soins de santé ». Parmi les intervenants figurait notre coordonnateur général, le Dr Armand Tiam. Il y a présenté quelques freins à l’adoption de la science de l’amélioration en Afrique francophone et des moyens concrets de les dépasser.

Un potentiel énorme, des résultats probants

Les preuves de l'efficacité de la science de l’amélioration sur le continent ne manquent pas. Au cours de la présentation, il a été mentionné entre autres l’exemple d’un projet mené dans le cadre du programme ASSIST de l’USAID au Niger. Dans ce projet là, les équipes d'amélioration ont réussi à faire baisser l'incidence des hémorragies du Post-Partum de 2,2% à 0,2% (près de 1 900 cas évités sur plus de 93 000 naissances dans 37 maternités), simplement en conservant l’ocytocine dans des glacières placées au pied des tables d’accouchement (BJOG).

Plus généralement, selon l'OMS, des systèmes de santé de haute qualité pourraient éviter chaque année : 2,5 millions de décès dus aux maladies cardiovasculaires, 900 000 décès dus à la tuberculose, 1 million de décès de nouveau-nés, la moitié de tous les décès maternels (OMS). La question qui se pose alors est évidente : si la science de l'amélioration permet d'obtenir de tels résultats, pourquoi n'est-elle pas encore répandue et appliquée partout ?

Les 4 obstacles identifiés par le terrain

S’appuyant sur ses trois années d'expérience comme coach pour l'Institute for Healthcare Improvement Open School et de sa pratique sur le continent africain, le Dr. Tiam a proposé quatre obstacles majeurs :

  1. Le manque de familiarité avec la science de l’Amélioration : La science de l'amélioration reste encore absente des curriculums de formation de nombreuses écoles de santé en Afrique francophone. Résultat : de nombreux professionnels de santé n'en ont jamais entendu parler.

  2. Les croyances limitantes : Sur le terrain, des idées préconçues persistent : « les erreurs sont inévitables », « le budget manque », « on ne peut rien changer ».

  3. Les tabous culturels autour des erreurs médicales : Dans la plupart des systèmes de santé, l’erreur médicale reste rarement débattue en public, nourrissant une culture du blâme plutôt que de l’apprentissage collectif et l’amélioration continue.

  4. Le manque de pouvoir et de légitimité : S'adressant particulièrement aux jeunes médecins, le Dr. Tiam a reconnu le sentiment d'impuissance face à la volonté de changement dans des systèmes où le respect de la hiérarchie et des anciens prédomine.

Quelques leviers pour surmonter ces obstacles

Face à ces défis, le Dr. Tiam a proposé des solutions pragmatiques et accessibles :

  1. S'informer et apprendre : Commencer par des ressources accessibles comme les cours en ligne gratuits de l'IHI Open School ou de la PAQS.be (plateforme belge). Ces formations rigoureuses et reconnues internationalement constituent un excellent point de départ.

  2. Passer à la pratique : Mettre en pratique les formations qu’on reçoît, afin de produire des changements palpables dans nos systèmes de santé.

  3. Rejoindre une communauté : Des communautés telles que AfriWon ou IAQSAH ont été créées pour cela : offrir un espace de partage des réussites et des difficultés, mais aussi rompre l'isolement des professionnels qui s'engagent dans l'amélioration de la qualité.

  4. Forger des coalitions stratégiques : En invitant décideurs, patients et universitaires à la table, on compense le manque d’autorité individuelle et on ancre le changement dans la gouvernance locale.

  5. Partager sa vulnérabilité (un levier important) : Le Dr. Tiam a ajouté un cinquième levier, particulièrement important : Oser parler ouvertement des erreurs médicales (ou des faiblesses du système). Cette approche, loin d'affaiblir l'autorité professionnelle, crée une connexion humaine authentique et encourage d'autres professionnels à s'ouvrir à leur tour.

Un message clé pour les professionnels présents

Le message central du Dr. Tiam est porteur d'espoir : les défis auxquels sont confrontés les systèmes de santé africains ne sont pas insurmontables. Des solutions existent (la science l’amélioration), elles ont fait leurs preuves et les jeunes médecins disposent de l’audace requise pour les braver. Ils ne leurs restent plus qu’à franchir le pas. Pour cela il leur faut : se former, tester, partager et s’allier.

La mission d'IAQSAH est de « démocratiser la science de l'Amélioration de la Qualité des soins en Afrique francophone et en Haïti. » Abonnez-vous à notre newsletter pour plus d'insights et de ressources pratiques.